Courir à jeun
Caser une séance de course à pied au milieu d’un emploi du temps surchargé n’est pas toujours évident.
Il n’est pas rare de croiser tôt le matin des joggers courir le ventre vide, afin d’éviter les troubles digestifs d’un petit déjeuner pris tardivement. Banalisée, cette pratique séduit également de plus en plus des personnes désirant perdre du poids.
Est-ce que courir à jeun permet véritablement de perdre du poids ? Est-ce sans risque pour la santé ?
Notre carburant
Pour produire de l’énergie, notre corps utilise deux types de carburants en fonction de la durée et de l’intensité de l’effort.
Les glucides (les sucres) fournissent de l’énergie de façon importante et avec un fort débit. Nos réserves en sucres sont limitées. A l’inverse, les lipides (les graisses) fournissent de l’énergie avec un faible débit et nos réserves sont importantes.
Lors d’un effort court et intense, le muscle consommera préférentiellement des sucres. Lorsque l’activité sera longue et d’intensité modérée, il consommera davantage des graisses.
Constat
Après une nuit de sommeil, notre glycémie (taux de sucre dans le sang) est basse, nos réserves de sucres au niveau du foie sont diminuées et notre capital hydrique est très entamé.
Notre corps dépense effectivement de l’énergie pendant la nuit (de 50 à 70kcal/heure) pour assurer le maintien de nos fonctions vitales, notamment au niveau cérébral.
Les études sur la course à jeun assurent que l’utilisation des lipides est bien réelle, pouvant même être multipliée par 5 lorsque les stocks de glucides sont au plus bas !
L’entraînement matinal à jeun va donc permettre d’épuiser nos dernières réserves de sucres et d’augmenter de façon significative l’utilisation des graisses au cours de l’effort.
Une méthode d’entraînement
Les marathoniens utilisent la course à pied à jeun pour franchir plus facilement « le mur du marathon », ce fameux moment où les stocks de sucres sont au plus bas et où les graisses sont largement mis à contribution par l’organisme pour produire de l’énergie, à l’origine d’une importante défaillance physique.
Durant la course à jeun, le coureur habitue ainsi son organisme à mobiliser davantage ses réserves de graisses en se privant volontairement de sucres.
Malheureusement, on observe que ce type d’entraînement est de plus en plus utilisé par des personnes non entraînées, parfois même débutantes en course à pied et désirant perdre du poids.
Attention aux acides gras essentiels
On constate une utilisation importante des lipides lors d’une séance de sport à jeun mais ce sont principalement des acides gras essentiels, les polyinsaturés (oméga-3 et oméga-6) qui sont utilisés comme carburant énergétique, ces « bonnes graisses » contribuant au bon fonctionnement et à l’équilibre de notre organisme.
Les acides gras polyinsaturés sont appelés acides gras essentiels car ils entrent dans la composition de la plupart des membranes de nos cellules – notamment au niveau cérébral – et qu’ils ne sont pas synthétisables par notre organisme.
La course à pied à jeun va donc entrainer des besoins supplémentaires en ces acides gras.
Attention à la fonte de la masse musculaire
On note une utilisation massive de notre masse musculaire lors des efforts d’endurance à jeun.
Lorsque le sucre fait défaut, notre organisme peut en « fabriquer » à partir des protéines de nos muscles pour assurer un fonctionnement cérébral optimal et fournir des glucides aux cellules glucodépendantes (globules rouges, neurones), ces cellules qui n’utilisent que les sucres pour leur métabolisme.
Cette adaptation physiologique qui porte le nom de néoglucogénèse permet à l’organisme de compenser un manque de sucres dans le sang.
La masse musculaire sert donc ici de carburant d’appoint. Cette utilisation des protéines va entraîner une fatigue plus importante après la séance et nécessiter une période de récupération plus longue. La répétition de ce genre de séance peut entraîner à terme une fonte de la masse musculaire à l’origine d’un abaissement du métabolisme de base.
Attention à l’hypoglycémie
La glycémie à jeun « normale » chez l’homme est comprise entre 0,90 et 1,10 g/L.
Lorsque le taux de sucre sanguin baisse en dessous d’une certaine limite, le cerveau se protège en fonctionnant au ralenti, forçant l’arrêt prématuré de l’activité physique.
Les symptômes de l’hypoglycémie sont multiples et témoignent du mauvais fonctionnement de l’organisme face au manque de sucres : faim, fatigue, pâleur, maux de tête, vertiges, sueurs, palpitations cardiaques.
Les recommandations du coach
– Avant de partir courir, réveiller votre corps par des petits exercices d’assouplissement pendant 5 à 10 minutes.
– La veille au soir, un repas riche en glucides complexes est indispensable (pâtes, riz, blé, légumineuses, pain) afin d’éviter une hypoglycémie durant la course.
– Une hydratation suffisante est la première garantie de la performance. Attention, la simple sensation de soif signifie que vous avez déjà perdu 1% de votre poids corporel et cela entraîne une diminution d’environ 10% de vos capacités physiques. Pour vous réhydrater après la nuit, buvez dès votre réveil un grand verre d’eau.
– Pour limiter la fatigue, il est important d’observer la nuit précédente un sommeil suffisamment long et réparateur (6 à 8h).
– Emportez avec vous une barre énergétique en cas d’hypoglycémie.
– Respecter durant toute la séance un rythme modéré correspondant à 60% de votre fréquence cardiaque maximale (FC max : 220 – Age). Cette allure de course permet en outre une consommation optimale des graisses.
– Dans l’heure suivant la séance, n’oubliez pas de prendre un petit déjeuner équilibré, afin de recharger vos batteries et permettre à votre organisme de bien récupérer.
L’avis du coach
La tolérance des personnes face à ce type de séance est variable et dépend essentiellement du niveau d’entraînement. Quoi qu’il en soit, je conseille généralement une séance d’une heure maximum, l’idée étant également de ne pas multiplier ce type de séance dans une même semaine.
En revanche, je déconseille fortement l’entraînement à jeun aux personnes n’ayant pas l’habitude de pratiquer un sport d’endurance ou reprenant une activité physique après un arrêt prolongé. Dans tous les cas, il est important de demander l’avis de votre médecin.